Christen DALSGAARD, un adieu, 1882

 
 
 
 
Huile sur toile
66 x 67,8 cm
Århus museum 


L'art danois du XIXeme siècle:

L'art danois s'est développé lors de la création de la fondation royale danoise des Beaux-arts en 1754. Les artistes y étaient formés et amenés à poursuivre leurs études à l'étranger, particulièrement en Italie ou en  France. Le but était qu'ils y découvrent le style européen et qu'ils acquièrent des connaissances et techniques de l'art classique. Le célèbre peintre danois N.A. Abildgaard passa ainsi 5 années à Rome et fut l'un des premiers à étudier le néoclassicisme. Les artistes travaillaient sur commande pour l'Etat et l'église, les sujets étaient donc pour la plupart historiques, mythologiques ou religieux.
 
Petit rappel historique...
 
Le XIXème siècle voit l'essor des régimes  constitutionnels:

A la chute de l'Empire napoléonien, la majeure partie des pays européens connaissent une évolution libérale. En 1815, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède et la Norvège possèdent une Constitution. Après les mouvements révolutionnaires de 1830 opposant libéraux et contre-révolutionnaires, l'Espagne et le Portugal adoptent un régime constitutionnel. Lors du Printemps des Peuples de 1848, de nombreux autres pays rejoignent le mouvement, et certains pays modifient leurs institutions dans un sens plus libéral (Danemark). Le mouvement libéral atteint même les Etats les plus autoritaires comme l'Autriche-Hongrie, où l'empereur François-Joseph, antilibéral au début de son règne (1848) devient un souverain constitutionnel.
 
Dans le Danemark du début du 19eme siècle, avec la révolution marquant la fin de la monarchie absolue et la création d'une monarchie constitutionnelle en 1849, se développe une nouvelle classe sociale, une classe bourgeoise. De nouveaux commanditaires apparaissent en même temps que de nouveaux thèmes picturaux. La peinture historique et les scènes néoclassiques sont reléguées au second plan, laissant place au portraits, à la peinture de genre et à celle de paysage. Le mouvement national libéral communiste est devenu très puissant au XIXème siècle et l'art se met à son service: la peinture se doit de révéler la réalité de son époque et de renforcer l'identité nationale du pays: scènes folkloriques dévoilent bientôt les us (coutumes) de la campagne danoise ou de la communauté de pêcheurs.
Etant coupé de l'influence de l'art européen, le courant nationaliste artistique s'essoufflera peu à peu.


Christen Dalsgaard (1824- 1907)
C. Dalsgaard est né à Skive au Nord du Danemark. Il a suivi l'académie royale des Beaux-arts à Copenhague et  à partir de 1841,  a étudié également dans l'atelier privé du peintre Martin Rorbye. En vacances, il remplissait des carnets de croquis de paysages ou de scènes de vie quotidiennes et aussi d'esquisses de costumes locaux, qu'il s'amusait d'autre part à collectionner. Ces carnets d'études furent la base de son art.


 
 
En 1844, le peintre a été influencé par l'historien d'art Niels Lauritz Hoyen, qui avait tenu une conférence sur "les conditions du développement d'un art national scandinave". L'historien y encourageait les artistes à se focaliser sur des sujets populaires de la vie de leur pays au lieu d'être influencer par l'art des autres pays européens. Sous son influence Dalsgaard renonça à son voyage initiatique en Italie  qui était lié à sa formation, pour se concentrer sur les sujets folkloriques de son pays.


 

En 1847, il commença à exposer et en 1855, il peignit un retable pour l'église de sa ville natale. Il remporta un vif succès avec son tableau  de vie quotidienne de 1856: "Landet du tømrer på d'en de hos de besøg de Mormoner på" ("les mormons rendent visite à un charpentier de pays").

Mormons visit a country carpenter, 1856

 
En 1878, il exposa à Paris lors de l'exposition universelle. Un an plus tard, Il peignit une toile qui connut un très grand succès: "Mon handog ikke skulle komme?" ("Je me demande s'il viendra!"). Cette peinture est typique de son art: une jeune femme se tenant dans l'entrebâillement d'une porte, regarde au loin. L'extérieur représente un paysage agraire. Le titre de la peinture se rapporte à son dialogue intérieur.





De 1890 à 1900, il peignit un ensemble d'illustrations de la bible.
 
 
Durant sa carrière d'artiste, Dalsgaard peint principalement des scènes de genre anecdotiques à la fois romantiques et aux couleurs locales (tout comme les peintres Jorgen Sonne, Frederik Vermehren).
 Ce sont des scènes folkloriques nationales soignées et précises, situées pour la plupart dans le Jutland. Tel un conteur, Dalsgaard dépeint ses personnages, leurs costumes, leurs habitats et leurs habitudes avec beaucoup de détails. Ses peintures racontent une histoire, celle de son pays au milieu du XIXème siècle. Son art nationaliste a contribué à ouvrir la voie au peintres réalistes.




 
Analyse du tableau

Dalsgaard aimait raconter des histoires dans ses peintures. il leur donne souvent un titre très long permettant au spectateur de saisir rapidement l'action peinte.

Le titre de ce tableau: "L'adieu" est très court mais résume parfaitement la scène représentée.

Dans l'entrée d'une maison ouverte sur un paysage extérieur, 3 personnages sont représentés: Deux femmes sur la partie gauche du tableau: l'une âgée, l'autre plus jeune desespérée, et sur la partie droite se tient un homme âgé, de profil, regardant calmement vers l'extérieur.
Dehors, un homme de dos, baluchon sous le bras et panier à la main, s'éloigne de la maison en direction de deux silhouettes humaines et d'un voilier amarré.
 
Les détails des vêtements traditionnels des personnages nous renseignent sur l'endroit où se passe la scène : nous sommes au Danemark, l'homme âgé porte le vêtement traditionnel du paysan du Jutland, tandis que la jeune fille porte le costume danois de l'épouse d'un marin.
Il s'agit sans aucun doute d'une jeune mariée qui assiste au départ de son époux pour la mer. Elle montre son désespoir, s'agrippant à la jupe de la femme âgée, ce qui permet d'imaginer qu'il s'agit  ici sûrement de sa mère.

Ce tableau, de format carré, est comme une fenêtre ouverte sur une scène tragique d'une simple famille danoise. La plus grande partie du tableau, qui est plongée dans la pénombre, est l'intérieur d'une maison très simple et très rustique avec un sol en terre battue. La perspective des poutres au plafond entraîne l'œil du spectateur vers la partie la plus claire du tableau: l'extérieur, où au 1er plan l'herbe verte évoque l'arrivée du printemps tandis que le ciel menaçant à l'horizon, avertit des dangers de la mer et présage le danger d'un éventuel non retour pour l'homme qui s'éloigne sur le chemin.

L'ensemble du tableau est très statique, malgré la violence des sentiments éprouvés par la jeune mariée. Le  décor, avec ses cloisons dépouillés, le rythme des verticales de ses portes et son imposante poutre au plafond, emmure les personnages dans leur désespoir et leur résignation. La jeune femme tourne le dos à la lumière et le  vieil homme, le regard lointain, semble ne plus pouvoir avoir accès à ce dehors. L'homme qui s'éloigne à l'extérieur semble déjà inaccessible, ignorant le drame qui se joue derrière lui.

L'artiste a peint la scène précisemment, scrupuleusement et objectivement à la façon des peintres réalistes. Son regard neutre et objectif rend la scène d'autant plus tragique.

 




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